GES a depuis l’origine organisé et accompagné le recyclage en agriculture des eaux usées; celles provenant d’unité agro-alimentaire sont du fait de leurs origines les plus intéressantes du point de vue agronomiques.
Les usages de l’eau et les cultures qui en bénéficient doivent être réfléchis et suivis. La réutilisation d’eaux chargées de micro-organismes ne convient pas pour du maraichage ou de l’arboriculture, par exemple.
GES peut effectuer des études de faisabilité et des dossiers de demandes d’autorisation (ICPE et IOTA).
Article des Les Echos de Frank Niedercorn (Journaliste)
Le trésor caché des eaux usées
L’essentiel des eaux usées sortant des 21.000 stations d’épuration françaises finissent dans les cours d’eau ou dans la mer,
alors que de nombreux pays s’en servent pour l’irrigation des terres agricoles. – SIPA
PROSPECTIVE – Face aux risques de pénurie, l’Europe veut promouvoir la réutilisation des eaux usées, notamment pour l’irrigation agricole. Un domaine où la France est en retard par rapport à ses voisins.
Les eaux usées suscitent désormais toutes les convoitises. L’ONU parlait en 2017 de « nouvel or noir » et en Israël, champion du monde de la spécialité, 80 % des eaux usées sont réutilisées. Et si le problème de l’eau y est moins aigu qu’ailleurs sur la planète , l’Europe, qui s’inquiète désormais de voir un tiers de son territoire soumis à des pénuries ponctuelles, en fait un cheval de bataille. Le Parlement vient de voter le 12 février dernier un projet de réglementation qui définit des normes minimales de qualité pour l’eau recyclée destinée à l’irrigation agricole. Le Vieux Continent réutilise déjà 1,7 milliard de mètres cubes d’eau, mais pourrait aller jusqu’à 6,6 milliards à l’horizon 2025, estime la Commission. Ce qui permettrait d’économiser à terme 5 % de la ressource. Pourtant, alors que Chypre et Malte dépassent les 60 % de réutilisation, ou que l’Espagne ou l’Italie atteignent entre 5 et 10 %, la France est incapable de donner ne serait-ce qu’un chiffre officiel.
« En France, on réutilise sans doute moins de 0,1 % de nos eaux usées, alors que 90 % d’entre elles sont traitées », estime Nicolas Condom, fondateur d’Ecofilae, une société de conseil spécialisée sur le sujet. L’essentiel des eaux usées sortant des 21.000 stations d’épuration tricolores finissent dans les cours d’eau ou dans le milieu marin en bord de mer. Certes, une soixantaine de stations ont commencé à fournir dans les années 1980 de l’eau pour l’irrigation agricole, l’arrosage de golfs, d’espaces verts urbains ou de prairies. Mais, depuis, les choses se sont figées avec des barrières réglementaires parfois absurdes.
La publication d’une nouvelle réglementation en 2014 a permis de relancer une cinquantaine de projets, dont le premier à aboutir sera à l’été 2020 le golf du cap d’Agde, arrosé grâce à la station d’épuration voisine. « Le projet a exigé des années de travail, mais permettra l’économie de 200.000 m3, notamment pendant l’été », se félicite Marie-Ange Debon, directrice générale adjointe de Suez .
Veolia pilote de son côté un projet d’irrigation de grandes cultures de maïs à côté de Tarbes (Hautes-Pyrénées). L’Agence de l’eau Adour-Garonne estime ainsi que 11.000 hectares seraient irrigables par 14 millions de mètres cubes d’eau. « Tout l’intérêt est d’éviter de prélever dans la Charente et la Garonne, qui souffrent notamment l’été », insiste Guillaume Choisy, directeur général de l’agence.
Quel modèle économique ?
La réutilisation ne coule pourtant pas de source. « Au niveau national, on peut viser l’objectif de réutiliser 5 % des eaux usées à l’horizon 2040. Ce serait déjà extraordinaire », estime Nicolas Condom. Premier handicap, le modèle économique. « Un projet de réutilisation de l’eau usée suppose un investissement, donc un coût supplémentaire », analyse Guillaume Choisy. Certains s’élèvent d’ailleurs contre le projet de réglementation européen, qui exige une qualité trop élevée et mettrait la barre bien trop haut. « Si la réglementation proposée est adoptée en l’état, cela se traduira par un arrêt d’une très grosse majorité des projets en développement », dénoncent Nicolas Condom et Bruno Molle, chercheur à l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (Irstea).
En sortie de station d’épuration, l’eau qui a été débarrassée de ses matières organiques doit en effet recevoir un traitement supplémentaire de désinfection. « En milieu rural, le coût reste le principal facteur limitant. Il faut donc trouver des solutions à la fois faciles d’entretien, efficaces, robustes et consommant peu d’énergie », résume Rémi Declercq, chef de projet chez Ecofilae. A Saint-Jean de Cornies, au pied du Pic Saint-Loup, la société pilote une expérimentation unique en France consistant à comparer sur trois ans quatre technologies : UV, filtre aéré planté de roseaux, membrane gravitaire et électro oxydation. L’intérêt est de mesurer les performances sur le plan économique, mais également environnemental et agricole grâce à des blocs de terre placés hors sol qui permettront de mesurer l’impact de l’eau sur la plante.
Car ces eaux usées, riches en azote et en phosphore, peuvent nourrir les cultures. Tout l’enjeu de l’irrigation agricole est en effet de conserver une partie de l’azote et du phosphore contenus dans les eaux usées, puisque ces nutriments sont utiles aux plantes. On évite ainsi du même coup le recours aux engrais dont la fabrication est coûteuse en énergie et consomme des ressources, notamment le phosphore qui pourrait manquer à l’horizon 2050.
Convaincre les populations
Ces eaux usées pourraient aussi être réinjectées dans le sous-sol. En France, d’après l’étude Explore 2070, les ressources en eaux souterraines, qui fournissent aujourd’hui 70 % de l’eau potable, pourraient diminuer de 20 % à 55 % selon le scénario le plus pessimiste. « La recharge artificielle permet de répondre à des problématiques de quantité et de qualité de la ressource en eau souterraine en créant une réserve, en maintenant la nappe à un niveau suffisant ou encore en la protégeant des intrusions salines ou des pollutions des rivières voisines », explique Nathalie Dörfliger, directrice du programme eaux souterraines et changement global au BRGM.
Il ne faudra pas oublier l’acceptation sociale. « Au moins 20 % des gens restent très opposés à l’idée de consommer de l’eau usée recyclée. Cela subsiste même lorsqu’ils sont bien informés. Avec des raisons diverses qui vont du risque sanitaire au dégoût, ou à la méfiance, voire la défiance vis-à-vis des opérateurs », note Patrice Garin, directeur adjoint de l’Institut montpelliérain de l’eau et de l’environnement, qui a mené plusieurs études sur le sujet. Une partie de ces consommateurs ont pourtant mangé des avocats d’Israël, ou des fraises et des tomates de Murcie en Espagne, dont un quart est arrosé avec des eaux usées recyclées. Il est vrai qu’on communique peu sur le sujet. Qui sait, par exemple, que les célèbres pommes de terre de Noirmoutier sont irriguées depuis trente ans de cette manière ?
Démarche de sobriété
Certains observateurs s’inquiètent cependant que la disponibilité de cette nouvelle ressource ne pousse au bout du compte les utilisateurs au gaspillage. Au sein de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse, on envisageait par exemple de s’en servir pour fabriquer de la neige artificielle. Mais la France reste officiellement prudente. « La réutilisation des eaux usées traitées doit s’inscrire dans une démarche de sobriété. Son développement n’a de sens que si son usage participe à diminuer la pression sur les ressources en eau », explique-t-on au ministère de la Transition écologique. « Le danger de la généralisation de la réutilisation des eaux usées, c’est d’installer l’idée que tous les usages sont possibles, alors qu’il faut au contraire faire baisser notre consommation en amont », explique Fabien Esculier, ingénieur spécialiste de l’environnement à l’origine du projet Ocapi (lire ci-dessous).
Les eaux issues des stations d’épuration ont une fonction hydrologique, et contribuent généralement à alimenter les cours d’eau. Ces rejets représentent une part très significative du débit estival de l’Hérault ou de l’Aveyron, par exemple. « Les eaux usées traitées finissent généralement dans les rivières ou les zones littorales. La question de leur réutilisation va désormais devoir être posée au cas par cas. Dans l’avenir, cela devrait même nous amener à développer une approche plus intégrée de gestion des eaux urbaines et des bassins versants », analyse Bruno Tassin, directeur de recherche à l’Ecole des ponts ParisTech.
Paris va tester la collecte des urines
Un quart des 150 litres d’eau que nous consommons quotidiennement part dans nos toilettes, pour seulement 1 % qui est bu. Un gâchis, d’autant que l’urine est riche en phosphore, indispensable à la fabrication des engrais. « Au XIXe, avant la pétrochimie, urines et excréments humains étaient collectés à Paris et recyclés sous forme d’engrais », explique Fabien Esculier, qui pilote le programme Ocapi (Optimisation des cycles carbone, azote et phosphore en ville), qui veut étudier les évolutions possibles des systèmes alimentation/excrétion urbains. La Ville de Paris va s’engager dans cette voie avec une expérimentation au sein du futur écoquartier Saint-Vincent-de-Paul. Au terme du projet, financé par l’Agence de l’eau, chaque immeuble sera doté d’un récupérateur des urines qui seront ensuite collectées puis valorisées sous forme d’engrais. « Le surcoût est estimé à 1.000 euros par logement. La véritable problématique est réglementaire, avec, aujourd’hui, l’absence de débouché. Mais il faut bien lancer des expérimentations pour débloquer les choses », insiste Célia Blauel, adjointe à la Maire de Paris.
Qu’en pensent les Français ?
- 86 % des gens accepteraient d’utiliser une eau du robinet issue du recyclage pour un usage domestique (hygiène, sanitaire, nettoyage…).
- 75 % des gens seraient disposés à consommer des légumes arrosés avec des eaux usées dépolluées.
- 53 % des sondés boiraient une eau du robinet issue du recyclage des eaux usées. Sachant que 52 % des personnes ne connaissent pas le cycle de l’eau et sont persuadées que les eaux usées sont déjà utilisées pour produire de l’eau potable
- 73 % des Français pensent que l’eau est une ressource limitée, contre 54 % en 2000.
- 41 % pensent qu’ils ne manqueront jamais d’eau dans leur région contre 66 % en 2000.
(Source : 22e baromètre Les Français et l’eau, TNS-Sofres/Centre d’information sur l’eau, 2018).
Frank Niedercorn
Source : https://www.lesechos.fr/idees-debats/sciences-prospective/0600809642578-le-tresor-cache-des-eaux-usees-2251520.php